18 juin 2013

Pourquoi Superman porte-t-il un slip ?



Certes, les images que je vous propose aujourd'hui, à l'occasion de la sortie cinéma de Man of Steel ce mercredi 19 juin, semblent à première vue bien éloignées de l'univers enfantin. Mais c'est oublier que Superman est le superhéros préféré des enfants, surtout les garçons.

▲Superman dans Man of Steel, film de Zack Snyder, avec Henry Cavill, 2013
sur le site du film Man of Steel

Même si ce n'est pas la première fois que cela arrive, les spectateurs ne manquent pas de montrer leur étonnement devant cette nouvelle version 2013 signée Zack Snyder : Superman ne porte pas son célèbre slip rouge par-dessus son costume moulant !

Les Petites Mains, curieuses de tout phénomène de mode, toute évolution de style, même les plus déconcertants, répondent aujourd'hui à cette question cruciale que vous vous êtes sûrement posée : pourquoi Superman porte-t-il un slip par-dessus sa combinaison ?

▲Couverture et page 13 du numéro 1 de Action Comics, juin 1938,
première parution d'une aventure de Superman
National Allied Publications, DC Comics sur le blog Arkham Comics

La première apparition de Superman dans une bande dessinée – on est en Amérique et on parle de comics – date de juin 1938, dans le premier numéro de la revue Action Comics. Mais le personnage est né en 1933 dans une fanzine, de l’imaginaire de l'illustrateur Joe Shuster et du scénariste Jerry Siegel. Ils ont alors dix-neuf ans et se réfèrent au contexte culturel dans lequel ils ont grandi.

▲Superman enfant dans Man of Steel, film de Zack Snyder, avec Henry Cavill, 2013
sur le site du film Man of Steel

Superman, c'est un costaud invincible. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il plaît aux enfants. Les psychologues le confirment, l'enfant a en lui naturellement le mythe de la force et du pouvoir. L'idéologie de la toute-puissance des superhéros l'aide à supporter son sentiment d'impuissance face au monde des adultes. « Ah ! Si j'avais ma cape de Superman ! » s'écrie un jour un garçonnet furieux à son institutrice qui le punit pour indiscipline [anecdote citée par Maguy Chailley dans La Télévision pour lire et écrire, Hachette, Paris, 1993].

▲à g. : Louis Uni dit Apollon, leveur de poids, 1878
Premier « champion du monde de force », c'est un colosse (1,90m - 120 kg) ;
il débute aux Folies-Bergère en 1887 où il entre en scène de façon
impressionnante en écartant les barreaux de fer d'une grille.
Fonds Gustave Soury, MuCEM, Marseille
à dr. : Affiche des Folies-Bergère, « Tous les soirs : Jack de Fer », fin XIXe, début XXe siècle
MuCEM, Marseille sur Agence photographique de la RMN

▲Troupe de l'arène athlétique Ambroise et Adrien Marseille, début XXe siècle
Arène de lutte, Eugène de Paris, début XXe siècle▼
Fonds Gustave Soury, MuCEM, Marseille
À la fin du XIXe siècle, jusqu'à la première moitié du XXe siècle, les arènes sportives
ou arènes athlétiques, arènes de lutte, sont très fréquentées par le public populaire.
Elles deviennent baraques de lutte, les « hercules » se produisent
sur les foires et les fêtes de province et à Paris.

▲à g. : Publicité annonçant les « Grandes luttes athlétiques »
de l'Arène athlétique Marseille Jeune, début XXe siècle
sur le site Quentin Lutte olympique
à dr. : Lutteurs de la foire du Trône, Marcel Bovis, 1936
Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine, Paris sur culture.fr

Dans les sociétés rurales, où le travail est rude, la force et le muscle ont de tout temps été des qualités appréciées et valorisées. En France, cela est encore accentué après la déroute de la guerre de 1870. Dans un contexte de revanche, on exalte la lutte française et on encourage les jeunes hommes à pratiquer les exercices du corps [Lire sur L'Histoire par l'image, L'Essor de la lutte française]. Les jours de foire, on exhorte les hommes forts à venir se mesurer avec les « hercules », des athlètes et lutteurs professionnels, parfois même des machines. De la Russie à l'Amérique, le phénomène est international. On prône la « culture physique » sous l'influence des idées hygiénistes, dont le programme se résume à « santé, air pur et perfectionnement de la race », face aux ravages de la tuberculose et de l'alcoolisme.

▲à g. : Georges le Rochetin, lutteur, début XXe siècle
à dr. : The Damien's, acrobates de force, début XXe siècle
Fonds Gustave Soury, MuCEM, Marseille

▲à g. : Héros, 1913, Fonds Gustave Soury, MuCEM, Marseille
à dr. : Eugène Sandow, précurseur du culturisme, vers 1912
Il pouvait casser des chaînes, mais recherchait surtout la beauté physique.
sur Eugen Sandow

▲à g. : Louis Cyr, « L'Homme le plus fort du monde »
Affiche du John Robinson's Circus, 1898
sur 4point4milliondays.com
à dr. : George Steadman, lutteur américain, 1900, sur the speed boys

▲Le lutteur canadien Louis Cyr tirant deux chevaux, 1892
Maison Louis Cyr sur Flickr

▲Le culturiste Charles Atlas, né Angelo Sicilano,
développeur d'une méthode de « bodybuilding », sur tomorrow heroes
Ses campagnes de publicités étaient fameuses en Amérique dans les années 1940-1950 :
ne trouvez-vous pas qu'il se donne des airs de Superman ?

▲François Henri « Jack » Lalanne, « first fitness superhero » tirant une Cadillac
photographie Russ Warner, vers 1950 sur tumblr

▲à g. : Page 1 du numéro 1 de Action Comics, juin 1938,
première parution d'une aventure de Superman
National Allied Publications - DC Comics sur le blog Arkham Comics
à dr. : Superman sur superman.wikia.com
(une encyclopédie collaborative qui vous dit tout sur Superman)

▲Superman dans Man of Steel, film de Zack Snyder, avec Henry Cavill, 2013
sur le site Man of Steel

Sur les images et les affiches, ces hommes forts sont représentés revêtus d'un simple slip, afin de mettre en avant leur exceptionnelle musculature. Le costume ne distingue alors guère athlètes, gymnastes, culturistes et forains. Par convenance, dans les spectacles fréquentés par les familles, comme les cirques, les athlètes prennent l'habitude de porter un collant de couleur chair sous le slip. C'est la base de tous les costumes de scène des artistes de cirque jusqu'à nos jours. Ainsi en est-il dans les années 1930 lorsque naît Superman. C'est cette tenue typique que les jeunes créateurs de Superman choisissent, comme l'expression évidente de sa puissance surhumaine.

Aujourd'hui les symboles de la force ont changé dans les esprits. Se présenter en slip n'exprime plus guère que la ringardise et le ridicule. Autre époque, autres références, l'icône Superman abandonne son slip rouge pour une combinaison high tech de type seconde peau. Mais il garde sa longue cape rouge de noble superhéros – cinématographiquement si seyante – comme les chevaliers et les gentilshommes des siècles anciens, mais c'est là une autre histoire...



5 commentaires:

  1. Je ne résiste pas à vous faire suivre la proposition de François, lecteur des Petites Mains via mon adresse courriel :

    « Je propose que Superman offre son slip rouge à Donald Duck, car c'est tout de même indécent que ce canard de bientôt 80 ans se promène le kiki à l'air sous sa vareuse de marin ! »

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  2. De l'élastique pour l'esthétique du slip ! Merci pour cet article !

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    1. Oui, depuis l'invention du Lycra, le slip des garçons est nettement plus sexy, n'est-ce-pas ?

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  3. L'énigme du slip est résolue, je pars en vacances tranquille!
    Moi qui pensais que le slip servait à empêcher son collant de glisser...
    Merci pour cet article!

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    1. Haha, je crois sentir là le vécu commun à toutes de la très agaçante expérience du port d'un collant pas toujours bien taillé ou ajusté ! Merci pour votre commentaire.

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