1 mars 2013

Mode enfantine et luxe (7) – De Jeanne Lanvin à Lanvin Petite, un retour aux sources



Le luxe pour enfant n’est pas un phénomène nouveau, mais il semble actuellement la stratégie retenue par les marques de mode et de luxe pour élargir leur offre. L’enfant est considéré comme la troisième clé d’accès au luxe, derrière le parfum et l’accessoire de mode [Lire sur Les Petites Mains, Mode enfantine et luxe (1) – Analyse du phénomène]. On ne compte plus le nombre de marques prestigieuses qui lancent leur collection enfant – le plus souvent sous licence.

▲Robe fillette en tulle, collection Été 2012, Lanvin Petite
à g. : dossier de presse Lanvin Paris ; à dr. : vitrine Baby Tuileries sur le blog chicandgeek

Dans le cas de Lanvin Petite, qui propose depuis l'été 2012 une ligne haut de gamme pour les fillettes, il s’agit d’un retour aux sources : modiste, Jeanne Lanvin a commencé son activité de couturière en créant des « vêtements artistiques » pour sa fille Marguerite Marie Blanche, dans les années 1900. C'est le directeur artistique responsable de la ligne femme chez Lanvin, Alber Elbaz, qui signe cette collection de vingt-cinq pièces. Elle s'adresse aux fillettes de quatre à dix ans.

Créée en 1889, Lanvin est aujourd'hui la plus ancienne des maisons de couture parisiennes en activité. La France connaît alors une des plus belles périodes de croissance de son histoire. Parce que son style est imprégné de l'air de son temps et qu'elle baigne dans un environnement artistique fort, raconter le parcours exceptionnel de Jeanne Lanvin revient à retracer la naissance et l'essor de la haute couture française, de la Belle Époque à la Seconde Guerre mondiale, juste avant l'âge d'or des années 1950.

▲à g. : Ouvrières de la maison Lanvin, photographiées à la fenêtre des ateliers de l'entresol
à l'angle du 16 rue Boissy d'Anglas et du 22 rue du faubourg Saint-Honoré où Jeanne Lanvin s'installe en 1889
à dr. : L'immeuble de la rue Boissy d'Anglas vers 1910
Jeanne Lanvin a pour voisins un marchand de vins, un marchand de volailles et, à partir de 1900
Héricourt, un marchand de volailles et œufs. Le quartier n'est pas encore le pôle du luxe.
La maison Lanvin dispose d'une entrée au 22 de la rue du faubourg Saint-Honoré. Hermès est au 24.
Les entresols seront plus tard supprimés au profit de hautes vitrines.
sur Librairie Diktats (spécialisée dans les livres anciens sur la mode et le costume)

▲Boutique Jeanne Lanvin, 22 rue du faubourg Saint-Honoré, 1912 et 1913
Archives Patrimoine Lanvin sur Pinterest
On distingue nettement aux murs des reproductions de gravures de mode anciennes▼

▲à g. : Portrait de Jeanne Lanvin, photographie Boris Lipnitzki, vers 1925
sur le blog du créateur érudit Alain Truong
à dr. : Salon de la maison Lanvin présenté dans le journal Les Modes, juin 1926
Les reproductions de gravures anciennes y figurent toujours. Gallica, BnF, Paris


Jeanne Lanvin, une réussite éclatante, nourrie d'amour maternel

Née en 1867, Jeanne Lanvin est l'aînée d'une famille de onze enfants qui vit dans la pauvreté. Elle commence à travailler à treize ans comme « trottin » et arpète chez Madame Boni, modiste. À la saison morte, elle crée des chapeaux de poupées qu'elle vend à des boutiques de jouets. À seize ans, elle entre en apprentissage chez Madame Félix, qui l'initie à la sparterie fine, au délicat travail des fleurs, des rubans et des colifichets.

▲à g. : Chez la modiste, Edgar Degas, 1882, Musée d'Orsay, Paris
à dr. : Chapeau Jeanne Lanvin, 1914-1920, The Metropolitan Museum of Art, New York
Ce tableau a appartenu à Jeanne Lanvin (collection Mélet-Lanvin),
Quels souvenirs de jeunesse a-t-il pu réveiller en elle lorsqu'elle l'a acquis ?
Ne représente-il pas la revanche de l'humble modiste devenue illustre mécène ?

En 1885, à dix-huit ans, elle ouvre son propre magasin de modes [modiste] dans deux chambres de bonne de la rue du Marché Saint-Honoré et vend ses collections de chapeaux, puis de confection. L'ascension sera longue et difficile, mais grâce à son travail d'arrache-pied, sa gestion redoutable des moindres détails, et bien sûr à son talent, son affaire prospère. Peu à peu, de succès en réussite, elle installe en 1889 son atelier au 16 de la rue Boissy d'Anglas, puis au 22, l'actuelle adresse de la maison, dont elle grignotera tout l'immeuble et au-delà. Le quartier n'est alors pas réservé au luxe.

En 1896, elle épouse Emilio di Pietro, qui n'est pas le « comte » fils de famille parfois décrit par certaines biographies, mais un employé de bureau – on mesure à ce détail la pression sociale du « paraître » de la Belle Époque. Elle divorcera en 1903, pour épouser en 1907 – encore par souci de convention sociale – un demi-notable ex-journaliste vaguement diplomate, Xavier Mélet, aussi effacé que le premier mari. Marguerite Marie Blanche naît du premier mariage le 31 août 1897, Jeanne a trente ans.

▲Portrait de Marguerite, née le 31 août 1897, à l'âge de six ans, 1904
photographie Paul Nadar, Les Arts décoratifs, Paris
à dr. : Portrait de Marguerite Di Pietro, H. Mestika Lavergne, 1904, sur Drouot

▲à g. : Portrait de Jeanne Lanvin, photographie Talbot publiée dans Vogue, 15 juillet 1915
à dr. : Portrait de Jeanne, Marguerite (et Madeleine Mélet), 1910, Archives Lanvin

▲Portrait de Marguerite, photographie Paul Nadar, 1910, Archives Lanvin

▲Portrait de Jeanne et de Marguerite, 1917
photographie Paul Nadar, Les Arts décoratifs, Paris

▲Portraits de Marguerite, photographie Paul Nadar, vers 1915-1917
Depuis sa petite enfance, elle porte les vêtements créés pour elle par sa mère, Jeanne Lanvin.
Les Arts décoratifs, Paris

Dès lors, Jeanne Lanvin relie ses deux passions, son entreprise et sa fille. Si la mère donne naissance à la fille, la fille fait assurément naître la couturière. Les témoignages sont nombreux, qui décrivent Marguerite « jolie », « gracieuse », « charmante », « exquise », portant à ravir les modèles uniques, splendides, sans cesse renouvelés, créés pour elle par Jeanne. Rien n'est trop beau pour sa « Ririte », son amour, son œuvre, son inspiratrice, sa princesse. Elle soigne son éducation : comme les jeunes filles de la meilleure société, Marguerite fréquente le cours privé de Madame Dieterlen ; Jeanne engage pour ses cours de piano la jeune prodige Lucie Caffaret, premier prix du Conservatoire en 1905, à peine plus âgée que son élève. Elle veut combler sa fille de tout ce dont elle-même a manqué pendant son enfance.

« C'est pour émerveiller sa fille que, de fil en aiguille, elle émerveilla le monde » écrit sa première biographe, Louise de Vilmorin. « Une garde-robe, peu à peu se dessine ; la plus éblouissante qu'ait jamais portée une enfant, cousue d'amour et de génie », ajoute Elisabeth Barillé.

En 1908, Jeanne Lanvin ouvre le département « costumes d'enfants ». En 1909, en adhérant à la Chambre syndicale de la Couture, elle passe du statut de modiste à celui de couturière ; elle ouvre les départements « jeune fille » et « femme ». Sa première robe de mariée connue date de 1911. Ses collections assorties pour les mères et les filles sont très appréciées. Plus tard, en 1923, ouvre « Lanvin Sport », en 1924 « Lanvin Parfums », en 1926 « Lanvin Tailleur/Chemisier » et « Lanvin Fourrure/Lingerie ». De la fillette à la mondaine élégante, Jeanne Lanvin habille tous les moments de la vie d'une femme.

Dès 1916, la maison Lanvin emploie plusieurs centaines d'ouvrières réparties dans neuf ateliers, cinq pour la couture, deux pour le flou, deux pour le tailleur. Deux ateliers sont consacrés à la broderie. Même pendant la Première Guerre mondiale, elle maintient son offre à un niveau de luxe très élevé. En 1923, elle crée sa propre usine de teinture d'étoffes à Nanterre, qu'elle reconvertira partiellement en 1927 dans la production de parfums. Première à créer des collections pour enfant, elle sera aussi première à ouvrir un département de mode masculine en 1926, à une époque où le métier ne pratique pas encore la segmentation de l'offre.

La maison Lanvin connaît un succès incroyable pendant l'entre-deux guerres. À son apogée, vers 1927, elle emploie plus de mille ouvriers, principalement des ouvrières, répartis dans près de vingt-cinq ateliers, sur une demi-douzaine d'immeubles en location. Au cœur des activités, au 22 rue du faubourg Saint-Honoré, invisible dans son bureau marqué de la simple plaque « Madame », Jeanne Lanvin voit et contrôle tout.

Jeanne Lanvin s'éteint en 1946 à l'âge de quatre-vingts ans. Marguerite, devenue Marie Blanche, comtesse de Polignac, assure la succession pendant quelques saisons, puis la maison bénéficie du talent d'une suite de créateurs, parmi lesquels se distinguent Antonio Canovas del Castillo (1950-1963), Jules-François Crahay (1964-1984), Claude Montana (1990-1993) et Alber Elbaz (depuis 2001).

▲à g. : Le bureau de Jeanne Lanvin sur tumblr
à dr. : Les mains de Jeanne Lanvin, Série : Les mains ; personnalités de la mode
photographies François Kollar, 1937
Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine, Paris sur Agence photographique de la RMN


Comment définir le style de Jeanne Lanvin ?

En ces temps de valeurs sûres où l'on ressuscite des marques anciennes de la couture à partir de « leur ADN » – l'exemple le plus saisissant est celui de Karl Lagerfeld pour Chanel dans les années 1980 – comment définir le style de Jeanne Lanvin ?

C'est l'exercice auquel Alber Elbaz doit se confronter lorsqu'il est nommé directeur artistique de Lanvin en 2001 : « J'ai essayé de situer Jeanne Lanvin par rapport aux quatre ou cinq grandes couturières de l'époque : Vionnet, c'était les constructions ; Madame Grès, la technique ; Schiaparelli, la création avec des artistes ; et Coco Chanel a inventé le marketing avec un grand talent. Chez Lanvin, le logo en dit long. Il représente Jeanne et sa fille, ce qui évoque d'emblée une histoire plus féminine, une relation familiale et émotionnelle. [...] Les codes stylistiques sont extrêmement féminins mais plus abstraits que dans d'autres maisons. [...] Il s'agit ici de préserver non pas une tradition, mais un héritage. En plongeant dans les archives, j'ai vu l'essentiel : des robes intemporelles et, surtout, le désir qu'avaient les femmes de les porter. » [On peut lire l'article intégral sur L'Express Styles]

Jeanne Lanvin a un physique ingrat, elle n'a même pas le « chic » d'une couturière styliste – comme Gabrielle Chanel, sa « rivale », aux origines sociales comparables. Elle n'est pas très coquette, toujours sobrement habillée de noir. Elle ne joue pas à être une artiste. Elle est « Patronne », ainsi que la nomment ses employés. Le processus d'élaboration de ses collections est bien établi, il passe par l'intermédiaire indispensable d'une modéliste.

Car Jeanne Lanvin ne dessine pas. Ce n'est pas non plus une modéliste, elle n'aura jamais qu'une connaissance approximative des techniques de la couture – toile, patronage, coupe. Elle décrit et explique ce qu'elle veut, donne ses directives via Mademoiselle Renée aux premières d'atelier et autres collaboratrices chargées d'interpréter et de réaliser. Entre 1918 et 1939 Jeanne Lanvin crée ainsi près de seize mille modèles, un chiffre énorme pour une maison de couture.

▲à g. : Portrait de Jeanne Lanvin, photographie Boris Lipnitzki, vers 1930 sur Piasa
Noter sur le bureau, le petit buste représentant Marguerite Marie Blanche, par Louise Ochsé
à dr. : Le bureau-bibliothèque de Jeanne Lanvin, aménagé vers 1930-1932 par Eugène Printz
Archives Lanvin sur tumblr fashioninsiders

Dès les premières années, Jeanne Lanvin revendique l'image d'une couturière historienne. Elle a une manière très particulière de travailler, en rassemblant une riche et abondante documentation, à la fois outil professionnel et musée imaginaire, qui l'inspire, qu'elle manipule comme une palette de formes et de couleurs au service de sa création. Sa bibliothèque, aujourd'hui gardée intacte, est un fonds unique en son genre. Les carnets et archives qu'elle conserve témoignent de la manière de travailler très singulière de la couturière. C'est aussi son goût de l'histoire et des arts qui va inspirer le fameux bleu Lanvin, couleur emblématique de la maison. Ces thèmes et les créations à la fois modernes et historicisantes de Jeanne Lanvin – en particulier la fameuse robe de style – mériteraient que j'y revienne dans un autre article, même s'ils sortent de mon champ d'étude, la mode enfantine.

▲à g. : Chapeau en dentelle de coton, Jeanne Lanvin, 1910
The Metropolitan Museum of Art, New York
au centre : Toilette pour fillette, Jeanne Lanvin, Les Modes, juillet 1909, Gallica, BnF, Paris
Pour le journal Les Modes, parmi les premiers à utiliser le procédé de reproduction photomécanique,
Jeanne Lanvin demande à Paul Nadar de photographier ses modèles
dans des décors de paysages ou d'appartements, comme des portraits de femmes et de fillettes.
à dr. : Robe habillée en mousseline et dentelle rebrodée, pour fillette Jeanne Lanvin, vers 1912
Musée Galliéra, Paris sur Mairie de Paris

▲Robe pour fillette en soie et dentelle, Jeanne Lanvin, 1910
The Metropolitan Museum of Art, New York
à dr. : Pour nos chéries, article illustré d'un magazine non identifié, 1909 sur hprints

▲à g. et au centre : Robe de jour Byzance pour femme, vers 1919-1920
Musée Galliéra, Paris sur Mairie de Paris
Jeanne Lanvin habille les mères et les filles.
à dr. : Toilettes et chapeaux, Jeanne Lanvin, Les Modes, février 1910
Gallica, BnF, Paris

▲à g. : Mannequins de la maison Jeanne Lanvin, atelier de Paul Nadar, vers 1910
Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine sur Agence photographique de la RMN
à dr. : Tunique de garçonnet à la russe, tussor crème brodé de coton au point de chaînette,
et frange de soie, Jeanne Lanvin, 1914, Musée Galliéra, Paris sur Mairie de Paris

▲à g. : Invitation Jeanne Lanvin, 1911 sur hprints
à dr. : Robe pour enfant Jeanne Lanvin, portée par Marguerite, 1913 galerie kwagner258 sur Flickr

▲à g. : Mannequins de la maison Jeanne Lanvin, Les Modes, 1910
Gallica, BnF, Paris
à dr. : Tunique de garçon à la russe en satin de soie ivoire rebrodé, Jeanne Lanvin, 1914
Musée Galliéra, Paris sur Mairie de Paris

▲à g. : Robe pour fillette (détail), Jeanne Lanvin, vers 1916
Kerry Taylor Auctions sur Pinterest
à dr. : Robes et chapeaux Jeanne Lanvin, Les Modes, janvier 1915
Gallica, BnF, Paris ▼

▲à g. : Costume d'enfant, Jeanne Lanvin, Les Modes, octobre 1910, Gallica, BnF, Paris
à dr. : Robe fillette en taffetas rouge, Jeanne Lanvin, 1917, sur le blog femme et fleur


Une icône symbolise le mythe fondateur de la maison : une mère et sa fille

C'est pour Marguerite, par Marguerite, que Jeanne Lanvin devient couturière pour enfants. Mais elle ne perd jamais de vue sa stratégie des affaires ni ses ambitions professionnelles.

Subtilement, elle introduit à la fois sa fille dans « le monde » tout en s'assurant la clientèle de ce monde. Partout où elle passe, Marguerite suscite la curiosité ; vêtue de ses éblouissantes toilettes enfantines, elle fait sensation dans sa petite société d'enfants privilégiés.

▲Invitations (1910 et 1912) et publicités (1922) Jeanne Lanvin
sources : Librairie Diktats ; galerie kwagner258 sur Flickr ; pinterest ;
blog andré bourgeois ; blog so not a princess ; Vogue France ; hprints ;
Jeanne Lanvin habille sa fille Marguerite ; la couturière crée pour la mère et pour la fille :
ainsi apparaît le mythe fondateur de la maison Lanvin, dont naîtra le logo.
Dessiné par Paul Iribe en 1922, il s'inspire d'une photographie
de Jeanne et Marguerite en tenue de bal, datant de 1907.▼

Le mythe fondateur de la maison Lanvin naît, résumé par son logo : Jeanne habille si bien sa fille que les mères et les clientes de Jeanne la modiste sollicitent Jeanne la couturière, pour habiller leurs propres filles ; au fur et à mesure des métamorphoses de Marguerite, de la petite fille à l'élégante femme du monde, Jeanne suit. En 1927, pour célébrer les trente ans de Marguerite devenue Marie-Blanche, elle créée avec le parfumeur André Fraysse, le décorateur Armand-Albert Rateau pour le flacon boule noir, et le dessinateur Paul Iribe pour le logo, le mythique Arpège.

▲Planches de la Gazette du Bon Ton, Toilettes de Jeanne Lanvin, 1914 à 1925
sources : Gallica, BnF, Paris ; Internet Archive digital library ;
Musée des Beaux-Arts, Boston ; Flickr ; Artophile

▲Robe Papillon (dessin) pour fillette, Jeanne Lanvin, 1921
photographiée par Adolf Gayne de Mayer dit le Baron sur wikimedia

▲à g. et au centre : Ensemble pour fillette, blouse et manteau en laine, Jeanne Lanvin, vers 1921
The Metropolitan Museum of Art, New York
en médaillon : Toilettes de Jeanne Lanvin, Les Modes, 1918, Gallica, BnF, Paris
à dr. : Veste en laine pour femme, Jeanne Lanvin, 1923-1924 sur rarevintage

▲à g. : Robe fillette en soie et coton, Jeanne Lanvin, 1922
Musée des Beaux-Arts, Boston
à dr. : Robe du soir et robe d'enfant, planche de la Gazette du Bon Ton, 1922
sur galerie Pratt Institute Libraries Flickr

▲Robe fillette en mousseline brodée, Jeanne Lanvin, 1923, sur rarevintage

▲Robe de fillette, Les petites filles modèles, Jeanne Lanvin
créée pour l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925 sur oldrags.tumblr
Jeanne Lanvin est chargée d'organiser la mise en scène de la classe 20 du « vêtement »,
l'une des 37 divisions ou « classes » représentées à l'exposition.

▲à g. : Carton d'invitation Jeanne Lanvin, vers 1910
sur le blog Green Martha
À force d'observer les pièces anciennes, les images d'époque et de coudre elle-même,
l'auteure, Marion Brégier, est devenue une experte qui partage avec enthousiasme sa passion.
à dr. : Manteau d'enfant, Jeanne Lanvin, 1926, Les Arts décoratifs, Paris

▲à g. : Tailleur et manteau de fillette, Jeanne Lanvin, planche de la Gazette du Bon Ton, 1922, sur Artophile
à dr. : Ensemble de fillette en laine et soie, Jeanne Lanvin, 1927
The Metropolitan Museum of Art, New York

▲à g. : Chantal et Alix de Polignac portent une robe en crêpe de Chine,
Jeanne Lanvin, 1927, Les Arts décoratifs
à dr. : Micheline et Viviane Émile-Dubonnet en robe de style en taffetas rose,
le fichu est retenu par un bouquet Lanvin bleu et rosé
Jeanne Lanvin, 1927, L'Officiel de la mode, février 1928, archives de L'Officiel de la Mode, Les Éditions Jalou
(plus de 200 000 pages de magazines de mode depuis 1921, consultables gratuitement!)

▲Veste de bébé en soie, Jeanne Lanvin, 1930-1931
The Metropolitan Museum of Art, New York

▲Dessins de modèles pour fillette, Jeanne Lanvin, 1929
Archives Lanvin, dossier de presse Lanvin Petite

▲Robe en coton et soie, Jeanne Lanvin, 1930-1931
The Metropolitan Museum of Art, New York

Lanvin Petite, bel hommage moderne à Jeanne et Marguerite

Une fille follement aimée, une griffe somptueuse, à jamais liées : la mère et la patronne exigeante qui les a enfantés est restée si secrète. Qui mieux qu'Alber Elbaz, créateur « oversize pas photogénique » comme il se définit lui-même, travailleur assidu, qui trouve « dur d'être un grand garçon » maintenant que sa mère Allegria n'est plus là, pouvait réveiller le souvenir de Jeanne, en privilégiant l'émotion à un moment où le « porno chic » gagnait la mode et la publicité ?

« C'est l'émotion qui fait tout » dit-il de l'histoire de Jeanne Lanvin. Comme elle, il joue depuis 2001 avec les étoffes précieuses, les vêtements bijoux et crée les nouvelles robes floues et vaporeuses de la maison Lanvin.

▲Modèles collections Été 2012 et Automne-Hiver 2012-2013, Lanvin Petite
sources : e-lanvin Paris, magazine Elle, vitrine Baby Tuileries sur le blog chicandgeek


Depuis l'été 2012, comme un retour aux sources, Alber Elbaz signe aussi une collection haut de gamme pour les petites filles, Lanvin Petite. Parmi les pièces phares, on trouve des robes précieuses, de modernes T-shirts, des ballerines vernies à pompon de tulle...

Les modèles reprennent les détails raffinés de volants d'organza lavé, de rubans de satin, de tulles plissés, de cristaux et de perles, dans l'esprit chic et féminin qui caractérise le style Lanvin. Ultime clin d'oeil à Jeanne et Marguerite, et à l'emblème mère-fille de la griffe, des poupées de chiffons accompagnent les petites filles privilégiées qui portent ces robes. Créées par Alber Elbaz, réalisées en partenariat avec l'association Dessine l'espoir, une partie de leur vente revient aux femmes séropositives d'Afrique australe qui les ont brodées.

C'est Alber Elbaz que Minnie a choisi pour créer la robe qu'elle portera le 23 mars lors de la journée anniversaire des 20 ans de Disneyland Paris : bleue, bien sûr, ornée de bijoux et de paillettes, du pur style Lanvin.

▲à g. : Carton d'invitation Jeanne Lanvin, 1910-1912, sur le blog So Not a Princess
au centre : Poupée, collection Jeanne Lanvin, 1916, Archives Lanvin
à dr. : Robe du soir en taffetas et tulle rose, femme et poupée, Jeanne Lanvin, 1925
illustration du rapport général de l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes
sur Librairie Diktats
À partir des années 1860, la poupée jouet pour fillettes se développe.
La poupée est très présente dans l'univers Lanvin ;
enfant pauvre sans poupée, née en 1867, Jeanne Lanvin se rattrape-t-elle ?

▲à g. : Robes de jeunes filles et d'enfant, Jeanne Lanvin,
planche de la Gazette du Bon Ton, mars 1914, Museum of Fine Arts, Boston
à dr. : Poupée, collection Jeanne Lanvin, 1914 sur Librairie Diktats
Entre poupées jouets et poupées mannequins, les poupées de Jeanne Lanvin
sont habillées par son atelier de couture.

▲Robe et poupée, Lanvin Petite, 2012

▲Les poupées Lanvin Petite, 2012-2013, sur le site Dessine l'espoir

▲Minnie, habillée en Lanvin par Alber Elbaz
Voir la vidéo sur le site Lanvin



Pour mieux connaître le personnage attachant qu'est Jeanne Lanvin, pourtant secrète et sévère, je vous conseille la lecture de sa passionnante biographie, par Jérôme Picon, dont je me suis nourrie. On assiste avec Jeanne Lanvin, placée au cœur du rayonnement de la couture des premières décennies du XXe siècle, au prodigieux essor de la Haute Couture française jusqu'à la Première Guerre mondiale, à la libération du costume des Années folles, à l'éclosion de la femme-fleur ultra-féminine des années 1930 et à l'obstination des femmes à rester coquettes sous l'Occupation – toutes mutations des modes que Jeanne Lanvin a su mettre à profit pour affirmer son style.


14 commentaires:

  1. Ooooh merciii pour la mention !!! C'est super gentil, j'en suis toute rougie ! :)
    L'image est tirée du superbe livre de Dean Merceron (en anglais) sur Lanvin. Je suis encore en train de le lire (il est épais, le bougre !), mais l'iconographie est fa-bu-leuse. Tiens, d'ailleurs, l'image à gauche des deux photos de la tunique russe pour garçonnet (vers le milieu du post, légende : "à g. : Mannequins de la maison Jeanne Lanvin, atelier de Paul Nadar, vers 1910
    Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine sur Agence photographique de la RMN" est identifiée dans le bouquin comme Marianne Gaumont (cousine de Marguerite) et Marguerite Marie-Blanche, pour les Modes en 1913.
    Je suis impressionnée par la continuité créée par Elbaz entre la collection d'enfants d'origine et Lanvin Petite. c'est bluffant !

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    1. J'apprécie beaucoup le contenu et le ton de votre blog. En ce moment je suis "addict" à votre série sur le trousseau féminin.

      Quant à ce flou dans la légende, j'ai fait ce choix car j'ai vu plusieurs images de cette même série de l'atelier Nadar conservées à la Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine légendées : "Marianne Gaumont et Gabrielle Lanvin, nièce et fille de Jeanne Lanvin", ce qui est certainement une erreur, puisque Jeanne Lanvin n'a qu'une seule fille, Marguerite. Sur l'agence de la RMN, la photo est légendée : "Madame Gaumont et sa fille Marianne" ; il s'agit sans doute de Marie-Alix, sœur cadette de Jeanne, qui épouse en effet un Maurice Gaumont.

      Je suis d'accord avec vous, Alber Elbaz reste fidèle à l'esprit de Jeanne Lanvin au point de raviver ses "codes". Leurs créations à tous les deux ont quelque chose d'une modernité intemporelle.

      J'essaie de montrer dans le blog les divers chemins de la création. Cela passe aujourd'hui par l'histoire et le patrimoine des marques et des maisons (M le magazine du monde en parle dans un article très intéressant daté d'aujourd'hui 1er mars : "La mode revisite son histoire" http://www.lemonde.fr/style/article/2013/03/01/la-mode-revisite-son-histoire_1840342_1575563.html].

      Bonne continuation sur Green Martha !

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    2. Aaaah je comprend smieux ! Amusant du coup de se demander qui est sur la photo :)
      Merci beaucoup pour les encouragements, 2013 promet d'être une année très riche créativement parlant ! (et puis je me sens un peu comme une rock star de voir mon nom chez vous)

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  2. très bel article encore! merci

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  3. Ce jeu de création entre la mère et la fille, je comprends que cela vous parle !

    Pour ceux et celles qui voudraient savoir pourquoi je dis cela, la relation très "couture" Gabrielle/Mape c'est sur La Boite à clous [http://la-boite-a-clous.blogspot.fr/].

    Merci pour ce commentaire très stimulant.

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  4. Bonjour, j'ai découvert votre blog un peu par hasard , alors que je recherchais sans succès une photographie de Tweegy prise avec des poupées. J'ai lu votre article sur Jeanne Lanvin , j'ai beaucoup apprécié votre perfectionnisme et la très grande qualité de votre travail. Je reviendrai vous lire avec un grand plaisir et un grand intérêt. Merci

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    1. Merci pour votre commentaire et vos compliments que je prends pour un encouragement. Soyez la bienvenue sur Les Petites Mains, et bonnes lectures !

      Pour votre recherche sur Twiggy, avez-vous essayé son site officiel ?
      [http://www.twiggylawson.co.uk/]

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  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  6. Désolée, j'ai supprimé le message par inadvertance.
    Je disais donc, que ma grand-mère maternelle ainsi que sa soeur, ma tante,
    ont été premières petites-mains chez Jeanne Lanvin, ma grand-mère a débuté à l'âge de 14 ans.
    Très joli blog, les robes sont magnifiques.

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    1. Avec de telles ascendances, vous êtes sans doute douée pour la couture ? Je vous le souhaite, et je vois en tout cas que le thème vous intéresse puisque vous êtes arrivée jusqu'aux petites Mains.

      Merci pour votre commentaire.

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  7. Bonjour
    j'ai trouvé votre blog en faisant des recherches pour mon mémoire de fin d'étude "le kid marketing pour le prêt-à-porter enfant"
    je vous félicite et vous remercie pour ces 7 articles très intéressants et votre travail perfectionniste .
    serai-il possible de connaitre vos sources, notamment à propos de la partie 1 et 2 sur le luxe enfant s'il vous plait?
    Merci beaucoup et bonne continuation

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    1. Merci pour votre avis positif.

      Les sources figurent dans les articles.

      Sinon les informations viennent de notes prises tout au long de mes lectures - par exemple dans les dossiers des journaux spécialisés comme le Journal du Textile, ou de Fashion Mag... qui chaque jour nourrissent mon analyse de professionnelle de la mode et du costume. C'est un métier et je le pratique depuis de très longues années déjà !

      Bonne chance pour votre mémoire.

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  8. un coup de coeur pour ce blog !!!
    merci de partager ce merveilleux

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