15 septembre 2011

Mode enfantine et luxe (1) – Analyse du phénomène


▲23 janvier 1957 : naissance de Caroline de Monaco

▲Caroline, princesse de Monaco, à deux ans, habillée par Dior, 1959
sur le blog royalteurope

▲à g. : « La Princesse Grace de Monaco, portant le tailleur San Francisco de Marc Bohan pour Dior,
lors de l'inauguration de la boutique Baby Dior en 1967
auprès de Marc Bohan et du petit Hubert de Chalmeton de Croy » sur puretrend.com
à dr. : Annonce de l’ouverture de Baby Dior, 1967,
L’Officiel de la Mode n°549 (page 178)

A la naissance de sa fille Caroline, en 1957, la princesse Grace de Monaco demande à Christian Dior de réaliser pour elle quelques mini-modèles. Elle répète le geste de plusieurs générations de clientes fortunées, qui depuis la création de la haute couture par Charles Frederick Worth en 1858, habillent leurs enfants des mêmes griffes prestigieuses qu’elles-mêmes. Dix ans plus tard, en 1967, Baby Dior ouvre 28 rue Montaigne à Paris. La marque partage pendant des décennies le marché du luxe et du haut de gamme enfant avec Bonpoint et Tartine et Chocolat, créés respectivement en 1975 et 1977.

▲à g. : Publicité Tartine et Chocolat, 1977, sur delcampe.fr
à dr. : Publicité Cacharel enfant, Sarah Moon, années 1970
sur le blog christandjack

▲Modèles Bonpoint, 1992, L’Officiel de la Mode n°774 et 775

▲à g. : Publicité Armani Junior, Vogue Bambini n°162, 2001, collection particulière
à dr. : Publicité Burberry, L’Officiel de la Mode n°871, 2002

▲à g. : Publicité Dolce & Gabbana Junior
à dr. : Publicité Gian Franco Ferré Enfant
Vogue Bambini n°164, 2001, collection particulière

▲Créations John Galliano pour Dior enfant
extrait du catalogue 2001, collection particulière

▲Modèles Jean Paul Gaultier Junior, Automne-Hiver 2009-2010
sur maxitendance.com

Si le luxe pour enfant n’est pas un phénomène nouveau, il semble actuellement la stratégie retenue par les marques de mode et de luxe pour élargir leur offre. L’enfant est considéré comme la troisième clé d’accès au luxe, derrière le parfum et l’accessoire de mode. Après Gucci Baby et Burberry en 2000, Dolce Gabbana Junior en 2001, suivent Mamonia, I love Ungaro, Armani Junior, Ferré Children, Ralph Lauren, Fendi, Chloé, Escada, Missoni

Depuis la première collection enfant de Jean Paul Gautier en 2009, le phénomène s’amplifie. En 2010, tandis que Cacharel repositionne ses lignes enfant, le marché voit arriver Paul Smith Junior et Boss Enfant. On annonce pour 2012-2013 l’arrivée de Young Versace, Lanvin Petites, Little Marc Jacobs – même si pour l‘exception Lanvin, il s’agit d’un retour aux sources : modiste, Jeanne Lanvin a commencé à créer des « vêtements artistiques » pour sa fille Marie Blanche à partir des années 1890.

▲Collection Lanvin Petites, par Alber Elbaz,
attendue en boutique en novembre 2010 sur modevogue.fr

Analyse du phénomène

Dans un contexte de crise économique, le marché mondial du prêt-à-porter de luxe pour adultes a baissé de 20%. Dans le même temps, celui pour enfants – estimé en 2009 selon Global Industry Analysts à 3,5 milliards d’euros pour l’Europe – de 10% seulement. Les groupes doivent faire preuve d’offensive commerciale pour poursuivre leur développement. Parce qu’elle permet de réduire les coûts d’introduction, la stratégie est tentante de mettre en avant une marque qui bénéficie déjà d’une forte notoriété et d’une crédibilité sur ce marché exigeant, afin de consolider les marchés historiques en crise et gagner rapidement des parts sur les territoires porteurs ou émergents comme le Moyen Orient, la Russie, l’Asie… Même si la mode enfantine se montre une étape non négligeable de croissance économique pour l’avenir de ces groupes, elle reste néanmoins un marché de niche. Il n’empêche que ces stratégies remettent en question l’organisation du marché tout entier de la mode enfantine, et obligent certains de ses acteurs à se repositionner.

▲En 2000, les chaussons baby Gucci, créés par Tom Ford,
font un tabac dans les rédactions de tous les magazines de mode
(ici en 2000 dans Elle)

▲Supplément enfant, L'Officiel de la Mode n°889, 2004

Par ailleurs, depuis la fin des années 1990, le marché bénéficie en France d’une hausse constante et significative des naissances. L’âge moyen des nouvelles mères recule. On ne fait plus un enfant pour les mêmes motivations, dans les mêmes conditions qu’avant. Avoir un enfant est un « projet » mûrement réfléchi. Plus avancées dans leur carrière, ces mères plus âgées disposent de budgets plus confortables, qui profitent aux marques de créateurs et de luxe. Ces enfants plus attendus, sont probablement plus choyés par l’entourage proche, la montée en gamme se perçoit aussi dans les cadeaux de naissance.

▲Pages de mode féminine, L'Officiel de la Mode n°746(pages 242 et 245), 1989

Très chers enfants - Le bébé, nouvel accessoire de mode,
article de Marie-Pierre Lannelongue dans Elle, 11 décembre 2000

▲à g. : Le bébé au cœur d’un nouveau style de vie,
article de Marie-Pierre Lannelongue dans Elle, 25 août 2003
à dr. : Fils et filles de, article de Tala Mazhari,
L’Officiel de la Mode n°889, 2004

Dans ce contexte de recherche du plaisir et de survalorisation de l’enfant, le vêtement devient un objet de valorisation sociale, mis au jour par les sociologues, relayés par les magazines de mode qui titrent que le bébé est devenu « tendance » ou encore « accessoire de mode » (Elle, 11 décembre 2000). On n’a jamais vu autant de célébrités exhiber leurs rejetons. Plus que jamais, l’enfant incarne la vitrine sociale de sa famille. Il devient lui-même prescripteur. Des études montrent qu’un enfant de deux ans peut identifier un logo, un enfant de quatre ans une marque. Comme les nouveaux consommateurs des pays émergents, ils aiment les marques et les logos qui se voient.

Mais le luxe, au juste, c’est quoi ? Essai de définition dans le prochain article des Petites Mains…

(à suivre : Mode enfantine et luxe (2) – Qu’est-ce que le luxe ?)


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