16 mars 2009

Crinoline (5) - Mode fillette sous le Second Empire


Pour conclure, voici quelques caractéristiques types pour mieux décrypter la mode du Second Empire :

■ Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, la longueur des jupes des fillettes fait le yoyo. Elle dépend à la fois de la mode et de l'âge de la demoiselle. Afin d'épargner aux mères un écart aux convenances et permettre à leurs filles de rester «décentes», les journaux rappellent les règles en cours, comme ◄ ci-contre le Harper's Bazar en 1868 sur Wikimedia

■ Pour ne pas salir son vêtement, lorsqu'elle est chez elle, la petite fille porte un tablier de protection à bavette, le plus souvent blanc, ou peu salissant. En 1870, la rédactrice du Journal des jeunes filles le recommande : «très gracieux, il devient un ornement et un complément à la mise d'intérieur», mais le déconseille au-delà de l'âge de douze ou quatorze ans. Cette mode va aboutir à la fin du siècle à un nouvel élément du costume, la robe-tablier.

▲à g. : Portrait de la famille Bellelli, par Edgar Degas, 1860-1862,
Musée d'Orsay, Paris sur Agence photo de la Réunion des musées nationaux RMN
à dr. : Tablier de fillette en coton, 1868,
The Wisconsin Historical Society, Madison

■ Autre nouvel élément du costume : le paletot. D'abord porté à l'intérieur ou le matin par les hommes, puis adopté par les femmes et les enfants, c'est une veste vague et conique, appréciée pour son confort. Il a l'avantage, parce qu'il n'a pas besoin d'être porté ajusté, de pouvoir être acheté tout fait au rayon confection d'un grand magasin.

▲à g. : Ensemble fille, paletot et pouf, vers 1866, Musée Galliéra
à dr. : Jeune fille inconnue (détail), photographie de William Notman, 1861,
Musée Mac Cord, Montréal

■ Le goût pour le XVIIIe siècle est considéré par certains historiens du costume comme à l'origine même de la crinoline, sorte de résurgence du panier. L'impératrice Eugénie, fascinée par Marie-Antoinette, encourage cette mode, qu'on retrouve aussi dans les tissus et ornements floraux, les éventails, et certains détails du vêtement, comme le pouf, inspirés de la polonaise.

▲ à g. : Robe pour une fillette de 6-7 ans, Musée National du Danemark, Tidenstoej
au centre : bouton français, vers 1850,
The Metropolitan Museum of Art, New York
à dr. : Planche du Journal des Dames et des Demoiselles,
costume pour garçonnet de 5 ans et robe pour fillette de 11-14 ans, vers 1852,
marquise.de

On adore les bals costumés, désormais on peut trouver des déguisements tout faits à prix raisonnable dans les rayons des grands magasins. Les romans de Walter Scott et les nombreuses représentations des enfants royaux de Victoria, en costume écossais à Balmoral, lancent le goût du tartan écossais et du kilt. Toutes ces influences historicisantes se retrouvent particulièrement dans le vestiaire du garçonnet, mais aussi celui de la petite fille.

▲à g. : Le prince Alfred et la princesse Helena (enfants de la reine Victoria),
par Franz Xaver Winterhalter, 1849, The Royal collection sur Artrenewal
à dr. : Robe à carreaux en laine, bordure soie, vers 1860,
The Metropolitan Museum of Art, New York

▲ à g. : Robe à carreaux en laine de coupe princesse, vers 1860-1869
au centre : chapeau, 1865-1870, The Metropolitan Museum of Art New York
à dr. : Portrait de Francisca Keban, par Joseph Nitschner, 1861, sur Wikimedia Commons

■ L'enfant n'échappe pas non plus à la vogue orientaliste exotique. Ainsi lors de la conquête de l'Algérie apparaît le burnous – appelé à une longévité exceptionnelle dans le vêtement layette.

▲ à g : Burnous, vers 1860-1870, Victoria & Albert Museum, Londres
à dr. : La princesse Béatrice, par Franz Xaver Winterhalter, 1859,
The Royal collection sur Artrenewal

■ Les accessoires, ombrelles, chapeaux, gants, manchons, etc., sont des compléments obligatoires du costume. Certes encombrants, ils apprennent aux fillettes les gestes fondamentaux qui incombent à leur sexe, gages d'une éducation soignée.

▲Bottines enfant, chapeau de paille, vers 1875, Musée Galliéra sur Base Joconde

▲Éventail brisé, pour fillette et ombrelle en soie, vers 1850,
The Metropolitan Museum of Art, New York

■ Les progrès techniques permettent la découverte de nouveaux colorants chimiques qui modifient la perception des couleurs : rouge Solférino, bleu impératrice, brun Bismarck, et tous les tons crus et durs de rose, jaune, violet, vert... Ils contribuent à l'image tapageuse du Second Empire.

▲ en ht : Cape de fillette en soie ornée d'un ruban de soie, vers 1850-1859
en bas : Cape de fillette en laine orné de soutache blanche, vers 1865-1875
The Wisconsin Historical Society, Madison

■ Sous le Second Empire, pour répondre à leurs différentes obligations mondaines qui chacune exige une tenue différente, les femmes portent des robes à transformation : à une même jupe, selon l'heure de la journée et la circonstance, correspond un corsage différent. On peut imaginer que cette pratique a aussi influencé la mode fillette.

▲Ensemble robe et corsage en coton et soie, vers 1864,
The Metropolitan Museum of Art, New York

(à suivre : La crinoline : pour en savoir plus)

7 commentaires:

  1. Merci beaucoup pour cet article, j'ai appris des choses que j'ignorais, par exemple la naissance de la robe tablier. De plus je ne pensais pas que les fillettes pouvaient elles aussi porter des robes à transformation, c'est tellement fou quand on y pense...
    Et toujours de très belles illustrations, c'est un excellent moment à chaque nouvel article :)
    À bientôt

    RépondreSupprimer
  2. J'ai écrit cet article, car je trouve que la progression chronologique ne donne pas forcément une idée d'ensemble de l'époque, et qu'il est intéressant d'avoir en tête quelques repères stylistiques pour identifier une époque.

    Pour la robe à transformation, je m'avance un peu. Mais les fillettes suivent la mode de leurs mères de si près que, lorsque j'ai vu ce modèle sur le site du Metropolitan Museum, et d'autres, je me suis dit qu'elle pouvait en être inspirée. On imagine bien la fillette aller le dimanche matin à la messe avec le petit corsage, puis le retirer pour aller prendre le thé avec ses amies Camille et Madeleine, non ?

    Merci de ta visite, je ne sais pas si j'ai beaucoup de visiteurs, mais tes chaleureuses interventions me font chaque fois grand plaisir.

    RépondreSupprimer
  3. C'est vrai que c'est une bonne déduction en ce qui concerne les robes à transformation. Les photos que tu trouves dans la base d'images du Met me donne envie d'aller visiter ce grand musée, un jour peut-être...

    Je ne sais pas si tu connais google analytics, en inscrivant ton adresse IP, tu peux savoir combien de personnes visite ton site par jour, par mois, et tu as le temps passé.
    En tout cas j'espère que des gens viennent te lire, et qu'ils vont être de plus en plus nombreux, c'est très intéressant ce que tu nous apprends.

    RépondreSupprimer
  4. C'est loin, New York pour juste quelques vieux chiffons ! En fait, pour des raisons évidentes de conservation, les musées ne peuvent exposer en permanence les collections de costumes, d'où l'intérêt d'une base d'images numérisée. Je regrette que les collections de Galliéra ou des Arts Décoratifs ne le soient pas, ou si peu (il y a juste quelques modèles de Galliéra sur la Base Joconde).

    Je rêve d'un site français comme celui du Victoria & Albert Museum : à chaque image choisie correspond un bref texte pédagogique, qui à la fois décrit l'objet et le situe dans son époque. Il n'y a pas une journée où je n'y fasse pas un petit tour.

    Merci pour le tuyau de Google Analytics. A vrai dire je ne me suis pas encore occupée de faire connaître mon blog, ni de voir sa fréquentation, j'attends pour cela qu'il soit plus fourni en articles et en sujets, ce sur quoi je me concentre pour le moment. Ce ne sont pas les idées qui manquent, plutôt le temps. C'est du travail un blog, hein !

    RépondreSupprimer
  5. Mon Dieu que votre blogue est passionnant !
    Un bijou !
    Que puis-je dire à part : merci.
    Merci pour tout ce travail que vous faites, et toutes ces découvertes que vous nous faites faire.

    RépondreSupprimer
  6. Merci beaucoup pour vos encouragements.

    Je viens de visiter brièvement votre site, Dentelle et Papillon, il y a là de la virtuosité !

    Je compte visiter la Cité de la Dentelle à Calais les jours prochains, je penserai à vous.

    RépondreSupprimer
  7. je découvre votre site à l'instant.... félicitations et merci.
    bravo pour toutes ces informations et illustrations .

    RépondreSupprimer