Jusqu'au 26 avril 2009, je vous invite à vivre la journée d'une femme sous le Second Empire, à travers la magnifique exposition du Musée Galliéra, conçue comme un opéra, en trois actes et huit tableaux : un bal, un dîner, un concert, en villégiature... Au-delà du fantasme de petite fille devant les somptueuses robes à crinolines, les dentelles, les bottines, les ombrelles, les éventails, les bijoux, au-delà aussi des clichés de cette mode riche et tapageuse, on entre dans la modernité avec l'essor de l'industrialisation, des grands magasins, la naissance de la haute couture, qui vont consacrer Paris comme capitale mondiale de la mode et du luxe.
Voir la vidéo de l'exposition, présentée par Catherine Join-Dieterle, directrice du Musée Galliéra, sur dailymotion
►Pendant que leurs mères sont «sous l'Empire des crinolines», que portent les petites filles modèles ?
Le Second Empire voit le triomphe du modèle bourgeois, qui assigne la femme à sa stricte fonction d'épouse maîtresse de maison et de mère. L'idée de famille supplante celle de lignage, l'enfant en est le centre, la famille s'organise autour de lui. On prend conscience de la relation privilégiée qu'il entretient avec sa mère – les petits garçons, qui portent robes et cheveux longs jusqu'à trois ans au moins, souvent six, ne se différencient guère des petites filles.
En 1866, Victor Dury écrit à l'impératrice Eugénie, férue de puériculture, qui élève elle-même son fils : «… l'influence de la mère sur d'éducation du fils et sur la direction de ses idées est trop grande pour qu'on ne s'inquiète pas de voir les femmes rester étrangères à la vie intellectuelle du monde moderne.» On va donc instruire la petite fille, mais pas trop, juste ce qu'il faut pour être une future bonne mère de famille.
Parallèlement, dans un contexte économique florissant, de progrès industriel, l'enfance devient un marché. On assiste à l'apparition d'un personnage nouveau : la petite fille. Elle s'appelle Sophie, Cosette ou Alice. Elle devient à la fois le sujet et le destinataire d'une littérature et d'une presse spécialisée. Fabricants de poupées et de modes proposent aussi leurs productions spécifiques pour petites filles.
J'ai relu Les Petites Filles Modèles (parution en 1858), Les Malheurs de Sophie (1859) et Les Vacances (1859). La comtesse, qui préfère sa campagne normande aux mondanités parisiennes ne semble guère apprécier la toilette. C'est ainsi que la pauvre Sophie «aimait à être bien mise et elle était toujours mal habillée : une simple robe de percale, hiver comme été, des bas un peu gros et des souliers de peau noire. Jamais de chapeau ni de gants. Sa maman pensait qu'il était bon de l'habituer au soleil, à la pluie, au vent, au froid.» Cela devait ressembler à cela :
(la comtesse choisissait avec soin les illustrateurs de ses romans)
à dr. : robe de fillette en coton, vers 1860, Museum of Fine Arts, Boston
au centre : souliers d'enfant, vers 1860, Los Angeles County Museum of Arts, Los Angeles
Aujourd'hui, le côté pratique du vêtement pour enfant est essentiel, cela n'est pas le cas sous le Second Empire, encore moins pour la petite fille. On l'éduque très tôt aux futures obligations qui incombent à son sexe, et si on peut dire que la femme est par sa tenue le faire-valoir de la richesse de son époux, cela est encore plus vrai pour l'enfant. La jupe courte est la seule concession accordée à son confort.
Le costume de la petite fille est la réplique en miniature et en court de celui de sa mère. Aussi n'échappe-t-elle, ni à la crinoline, qui apparaît vers 1850 ; ronde, à cerceaux, elle atteint son maximum vers 1858-1859 – ni au corset.
jupon crinoline «qui se raccourcit et s'allonge à volonté»,
XIXe siècle, BNF (cabinet des Estampes)
à dr. : crinoline pour fillette, XIXe siècle,
The Metropolitan Museum of Art, New York ▲Corsets pour fillettes, gravures parues dans La Mode illustrée, septembre 1870
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Les historiens du costume ont l'habitude de distinguer trois phases sous le Second Empire : de 1852 à 1860, de 1860 à 1866 et de 1866 à 1869. Bien sûr, ces dates limites le sont à titre indicatif, une mode met un certain temps à s'imposer, à en chasser une autre, elles peuvent cohabiter. Il n'est pas toujours facile d'en interpréter les nuances.
(à suivre : La crinoline, de 1852 à 1860)
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