J’attends sur ce quai de gare. Que c’est long !
« Maman, quand est-ce qu’il arrive Papa ? » « Bientôt, sois patiente… »
Patiente ? Cela fait si longtemps que tu es parti…
Quand vas-tu enfin descendre de ce train pour me serrer dans tes bras ?
Te voilà ! Tu es si beau, mon Papa, dans ta superbe cape rouge des Spahis d’Algérie.
Tu ouvres tes bras, je m’y jette avec toute l’énergie de mes 5 ans, puis tu déposes dans mes mains un paquet tout mou enveloppé de papier de soie qui bruisse…
« Ouvre, c’est un cadeau d’Algérie que j’ai ramené spécialement pour toi… »
J’ouvre le paquet et là, tout d’abord, je ne vois que la couleur jaune poussin du vêtement puis je sens la douceur des longs poils angora que je caresse comme la fourrure de mon chat, le soir à la veillée. Papa m’aide à enfiler ce magnifique gilet, doux, moelleux, comme les bras de mon papa qui me serre fort contre lui, en m’appelant sa princesse.
« Pourquoi il a des poils aussi longs, le gilet ? » Papa m’explique que cette laine très particulière vient d’une chèvre angora.
Je me souviens lui avoir dit : « Quand tu repartiras en Algérie, dis merci à la chèvre qui a tricoté le gilet pour moi, elle est gentille. »
J’ai bien sûr grandi, le gilet angora est devenu trop court, mais je l’ai conservé très longtemps dans son papier de soie, bien à l’abri, avant d’en habiller mes poupées… pour ne pas le quitter tout à fait.
à dr. : Petit boléro mohair pour fillette, années 1950, sur Vogue Vintage Knits by Etsy
Cette jolie évocation du pull jaune poussin de Nadia me donne l’occasion de clarifier une confusion que l’on fait très souvent entre « angora » et « mohair ». Tous deux ont pour origine des poils d’animaux, il y a aussi le cachemire, le poil de chameau et l’alpaga.
Les poils d’angora sont issus d’une variété particulière de lapin, le Rex d’Asie mineure, dont le poil très long (de 5 à 15 centimètres) est gris clair, blanc ou roux. Les lapins sont épilés, soit au peigne pour les qualités les meilleures, soit au rasoir. Leurs poils sont utilisés pour les laines à tricoter et les tissus imitation fourrure, ou en mélange avec d’autres matières.
Le mohair est un mot dérivé de l’arabe mukhayyar qui signifie «celle qui est choisie, la plus belle». Sa fibre ne vient pas d’un lapin, mais du poil de la chèvre angora – celle qui justement a tricoté le pull de Nadia. Cette chèvre est originaire d’une région turque du plateau d’Anatolie, Angora (aujourd’hui Ankara) qui lui a donné son nom. En Afrique du Sud et aux Etats-Unis, qui sont les deux premiers producteurs de mohair, elle est issue de croisements entre des chèvres d’Angora offertes en cadeau et des bêtes locales.
La chèvre angora est tondue très soigneusement deux fois par an, au printemps et en automne, elle produit de 5 à 8 kilos de fibre brute par an. On fait de ces poils longs et chauds des tissus extrêmement fins et légers, doux et soyeux, naturellement élastiques et isolants, d’un brillant naturel. Le mohair a aussi la particularité de bien prendre la teinture. Une merveille de la nature, donc, qu’on utilise pur ou en mélange avec d’autres laines, pour réaliser des pulls en maille ou des vêtements de l’industrie du luxe.
On sait qu’au XVe siècle, Jacques Coeur, argentier du roi Charles VII, fait venir en France un troupeau de ces « caprins à poil long, ondulé, doux et propre à la teinture », qui finiront dans la marmite lors d'une famine, mais on ne commence à importer des fils et des vêtements turcs en France qu'au XVIe siècle. On trouve trace de la transformation du mohair brut sous le règne de François Ier. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que l’industrie du mohair se développe en France et en Angleterre, dépassée aujourd'hui par la production sud-africaine ou américaine (principalement au Texas).
▲Chèvre angora, WikipediaTa petite chèvre tricoteuse est bien une chèvre angora, Nadia, elle devait être aussi mignonne que celle-ci, mais ton pull jaune poussin est en mohair. Si tu avais été plus petite, ton papa Spahi aurait pu t’apporter aussi un autre vêtement local, le burnous, dont l’exotisme a fait fureur en France sous le second Empire au moment de la conquête d’Algérie, qui fera une carrière d’une exceptionnelle longévité en article de layette jusque dans les années 1950-1960.
Oh that sweet fuzzy sweater! And the sheep...
RépondreSupprimerAs I already said, I wish I could translate my texts in english too, but it's already hard work in french ! Sometimes the images I show do tell the whole story - for exemple the ruff.
RépondreSupprimerThis is new series : I'm starting from a friend's souvenir of a piece of cloth when she [he] was a child ; here it's Nadia's little yellow sweater (text in italic) and the difference between angora (from the rabbit) and mohair (from the goat, which is called the angora goat - that's why we always confuse !).
But may be as a "voyageuse" you do speak french ? I love your drawings.
Thank you for supporting Les Petites Mains.
Et moi, je suis en train de tricoter un pull en alpaga, c'est quoi ? Un genre de lama, une chèvre... ? Il vient de Bolivie, je l'ai acheté chez Babyalpaga en pelotes de 100g et c'est un zéphyr à tricoter !
RépondreSupprimerBonjour Marie-Pierre, je vois avec plaisir que vous êtes toujours aussi active.
RépondreSupprimerL’alpaga (ou alpaca) est aussi effectivement une fibre issue de poils d’animaux, l’alpaga, qui est un animal domestique ruminant, une sorte de grande chèvre de la famille du lama. Il paraît qu’il est intelligent et très affectueux. Le mot vient du quechua, une langue amérindienne du Pérou.
La toison de l’alpaga est fine et très douce, les poils longs (15 à 20 centimètres de longueur). Un poil long est gage de tissu de qualité supérieure en filature. Une bête fournit de 2 à 3 kilos de poil par an.
Cela donne une laine douce, brillante et fine, utilisée dans la bonneterie (tissus en maille) de luxe.
Le terme désigne également un tissu soit pur alpaga, soit le plus souvent mélangé (dans ce cas le pourcentage de laine d’alpaga doit être précisé). Mais l’alpaga est parfois abusivement utilisé pour désigner des tissus légers, secs et brillants, un peu comme autrefois la confusion commerciale organisée autour de la soie, naturelle ou "artificielle".
Je comprends que ce soit un plaisir de tricoter ce type de fil de très haute gamme. Et quel plaisir pour son chanceux destinataire de le porter !
En fait, je ne sais pas combien je serais prête à payer pour avoir les explications du boléro en angora de la petite fille. Quand j'étais petite, dans les années 50, c'était un must des petites filles sages. Il y avait dans ma cour une famille d'officiers qui ressemblaient à cette Infante...et aujourd'hui, je la tricoterai bien pour mes petites filles (j'en ai 3 !)
RépondreSupprimerSuper, en cliquant sur l'image, j'ai accédé au site qui vend les explications ! Donc, j'ai acheté 5 USD et j'espère que je vais comprendre l'anglais de tricot. Merci mille fois !
RépondreSupprimerSuper ! Moi aussi j'ai craqué pour ce petit boléro lorsque je l'ai vu sur le site. J'ai longtemps cherché, j'aurais voulu une petite fille qui ressemble à Nadia - ce qui n'est pas le cas.
RépondreSupprimerCe sont des modèles de tricots parus dans Vogue, tous très classe. Il y a même des maillots de bain pour femme, très beaux aussi, mais que je ne conseillerais pas : j'en ai eu un en laine quand j'étais petite, avec une petite bavette devant, c'était une horreur dans l'eau !
Je pense qu'on aura le plaisir de voir des photos de vos réalisations dans Bigmammy. Quant aux explications en anglais, vous vous en faites faire la traduction via Hong Kong !
Magnifique boléro,l'angora est si doux.
RépondreSupprimerBon dimanche....je vois que ma copine Maïa est passée avant moi !
le boléro est irréalisable il n'y a pas de schéma voir dessin en plus c'est très mal explique
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